Une goutte d’eau
Gouttes, gouttes, gouttes, gouttelettes de pluie. Il nous pleut sur la tête. La nature se déchaine dehors – je ne veux juste pas penser aux gens amarrer pas trop loin. On découvre, au son d’un splash, la fuite dans l’évent de l’écoutille (le hatch, si on préfère). Là, c’est moi qui râle. Il me semble que le truc n’a jamais permis à la moindre goutte d’air de pénétrer dans le voilier et il ne peut que couler. Voilà, c’est fait. Par contre, nous sommes surpris, car les hublots de bâbord sont humides voire perlent. Merde. Là, la job est beaucoup plus importante. Une journée, deux jours ? Il faut complètement enlever le pourtour en aluminium, nettoyer à fond pour reviser et remettre un scellant marin. Bon, ce n’est pas la joie, mais une tâche de plus ou de moins sur Trello, rendu là…

Si l’eau ne vient pas du dessus, c’est qu’elle nous guette du dessous, tel un monstre sous-marin. Comme nos pérégrinations du moteur le laissent penser, notre joint d’étanchéité entre le moteur et l’arbre d’hélice — le presse-étoupe ou le seal shaft — serait à la source de nos soucis de supports de plancher. Je dis bien serait, aucune manière de le savoir assurément. Le soufflet est craquelé ; pour un truc en caoutchouc qui doit garder le tout au sec, ce n’est pas un bon signe.

À deux à se gratter la tête au-dessus de l’arbre d’hélice, je lance à Laurent : « Il faut le changer à chaque combien d’années le joint ? » Laurent « 5, 10 ans max ». Mmmm, le truc doit y être depuis au moins 30 ans. C’est quoi la marque de notre joint au juste ? Il n’y a que l’inscription DAM et un numéro de téléphone à 8 chiffres couplé par deux. La force obscure en pleine action… Rien n’exige de remettre exactement le même, non ? On pourrait juste changer notre joint par un joint Volvo ou bien PSS, non ? Ben non, il n’y en aura pas de facile. Le diamètre de notre tube d’étambot (le trou qui reçoit l’arbre d’hélice pour permettre audit arbre de sortir sous l’eau) et celle de notre arbre d’hélice ne concordent pas avec le joint Volvo. Pour le joint PSS, c’est la distance entre le tube d’étambot et le moteur qui est trop courte. Merde. On jongle, en plein délire. Est-ce qu’il faut modifier professionnellement le tube d’étambot ? J’ai pris l’habitude de téléphoner à l’évaluateur n.2 pendant les crises d’anxiété aiguë. « Non, ça, c’est un truc à quoi on ne doit jamais toucher. Il faut trouver un autre fournisseur de pièces marines européennes ». Merde.
Petit dialogue interne : « ne pas virer folle, être proactive ». Peut-être que Boulet Lemelin à Québec peut nous proposer autre chose, un miracle hors de la portée de Gosselin. Un Français me répond pour me dire que mon numéro cryptique doit correspondre à une entreprise dans le coin de Saint-Tropez. Au hasard de la vie, il m’explique gentiment qu’il le sait puisqu’il vient de Vars. Bingo, le site Internet de DAM marine est toujours en activité. Yann nous conseille de demander le prix et puis, ensuite seulement, s’ils livrent au Canada. Sinon, augmentation bidon du prix assurée. Après discussion, on décide que c’est Laurent qui doit téléphoner. J’ai beau tromper les Québécois (et quelques Français immigrés au Québec) qui pensent que je suis Française, ça ne fonctionnera pas de l’autre côté de l’Atlantique. Trois jours d’attente pour une réponse de DAM marine. On se fait dire par courriel qu’ils ne fabriquent plus le joint depuis 15 ans (ah oui, que 15 ans), qu’ils n’en ont pas en stock (ah oui, vraiment) et que c’est un modèle Stopélo. Laurent est livide ; c’est le pire des modèles et le seul que le blogue Hisse Et Oh mentionne pour sa médiocrité. On tourne en rond… Faire l’autruche revient fréquemment comme activité depuis 2 mois. On a bien fait réparer la bague en graphite du joint actuel par Stéphane, le chum super gentil d’Élise, la déesse de l’entretien des bateaux. Par contre, rien à faire pour le soufflet…

Repérer des trucs sur Internet, c’est le boulot de Laurent. Il a bien sûr trouvé un modèle qui correspond à nos besoins. Les joints sont le produit de l’ingénierie d’une compagnie finlandaise qui conçoit des moteurs diesel de cargos. Fabriqués au R.-U., ils servent généralement à la marine marchande française et sont vendus par Alphaver. Le hic, la boite refuse de livrer au Québec et comme ils déménagent, ça peut prendre jusqu’à 10 jours avant l’envoi postal. Destination de transit : Claude Bonnot et Brigitte Colomban à Mounier Haut qui ont gentiment accepté de nous servir de bureau de poste. En attendant, on répète a qui veut bien l’entendre qu’on attend une pièce et que dès qu’elle arrive, on sera à l’eau. J’aurais mieux aimé attendre une pièce en Floride, mais bon, c’est moins dispendieux ici. Le tout nous retarde de deux semaines voire plus.
Pensant que nous partions le 1er septembre, tatie Gabrielle et tatie Chantal ont organisé une fête surprise, une vraie. J’étais tellement émue ce samedi ! C’est la première fois que je ne me doute de rien pendant que tout se trame. Il n’y a jamais eu autant de commune auto dans les champs de maïs de Saint-Paul de l’île aux noix. C’est mon père qui est arrivé le premier, mais comme il se présente souvent à la maison sans préavis pour repartir 10 minutes plus tard, aucun son de cloche. Puis, je vois une dame élégante au loin avec son copain et une poussette. Erreur. On est les seuls avec un tel engin du diable ici. Ah, c’est Nat et P-A. Dans la voiture, Chantal est accompagnée de Gaby et de Rod Judi, Gabriel et François puis Gabrielle, Léonie et Sébastien arrivent aussi. C’est la fête, c’est la boustifaille sous la pergola devant les voiliers. Un superbe cadeau, P-A a pris des photos en Polaroïd de la journée. C’est encore plus spécial qu’elles ne sont que sur pellicule, pour nous seuls. Elles ornent dorénavant le carré, suspendues par une cordelette.