Sans domicile fixe
Avec un peu de recul, quand je repense à notre déménagement, j’éprouve à la fois un grand soulagement et de la tristesse. L’étape de notre voyage « on quitte notre appartement » consiste en deux phases. La première, le 24 juin, on fait nos boites et cartons pour déménager l’intérieur de notre appartement au chalet. La deuxième, le 1er juillet, on apporte le peu qui reste et qui va au voilier. Le tout devait être relativement simple. Bien sûr, ce n’est pas comme ça que les choses se sont passées.

Phase I
Dans les faits, la phase I s’est relativement compliquée puisque Thomas, un très bon ami sans voiture, déménageait aussi le 1er juillet. Pour ceux qui l’ignorent, les Québécois jouent à l’appartement musical à cette date bien précise. Thomas me disait d’ailleurs qu’un célèbre Canadien anglais (je ne me souviens plus duquel, désolée) avait osé dire « qu’ils s’affairent tous à déménager, pour ne jamais aller bien loin. » Donc, à coups de téléphone répétés, il a fallu s’organiser pour coordonner nos deux déménagements puisque, bien sûr, il faisait partie prenante du nôtre et nous du sien. À « Thomas » s’ajoute la gestion de U-Haul. J’ai dû téléphoner aux bas mots 6 fois. Ici, il faut savoir que lorsqu’on réserve une remorque pour le 24 juin et qu’on demande à la ramasser sur l’île de Montréal, U-Haul peut vous envoyer sur une rive, comme sur l’autre, et ce à seulement 24 heures d’avis. Laurent s’est donc retrouvé à Châteauguay et mon père à Repentigny. Bien sûr, les deux ont chialé : « putain, c’est loin » et « grrr, j’aurais pu prendre la remorque sur la rive nord, en chemin ». Le jour même, comme nous avions une super équipe — Thomas, Mylène, Arthur, François, mon père, Laurent et moi-même — et qu’on avait préalablement terminé de démontrer nos trucs Ikea à minuit le soir d’avant (Mmm, presque tout l’appart en fait), c’était expéditif ! Autre tradition du déménagement québécois, il faut nourrir tes hommes et femmes de bras. Ben, même dans un quartier français de France, trouver 20 croissants un 24 juin, c’est pas facile ! Un dernier au revoir à Jean-François, que je peux maintenant appeler mon ami, et non plus mon propriétaire. Je suis envahie par une vague de nostalgie.

Direction le lac la truite
Il y a un bon 4 heures de route entre Montréal et le chalet paternel, situé à Gracefield — le lac la Paquin (la truite pour les intimes), près de Maniwaki. L’idée, un peu folle, est d’économiser les frais astronomiques d’un mini-entrepôt. En discutant avec mon père il y a quelques semaines, je lui ai demandé si ma tante Hélène, qui possède une maison à Gracefield avec un sous-sol, accepterait moyennant une somme forfaitaire de garder nos meubles. Il m’a répondu « on va mette tes choses au chalet, dérange pas Hélène. Je suis dispo le 24 juin ». Voilà. Sauf que là, nous trainons deux remorques de 3500 livres chacune sur un chemin de terre battue sinueux et légèrement vallonné. Merde. En arrivant, Lucie, la conjointe de mon père, joue avec Aymeric, émerveillé par ma voiture d’enfance. Elle nous a fait toute une fleur, on l’a chaleureusement remercié ! Le lendemain, Chantal, ma meilleure copine, et Ubald, son père, viennent nous donner un dernier coup de main pour empiler jusqu’au plafond nos boites. On prend presque la moitié du sous-sol ! J’espère juste qu’il n’y aura pas trop de pertes, le sous-sol étant chauffé à 3 degrés pendant l’hiver…

Phase II

On a déménagé, ça devrait donc être le début de notre nouvelle vie, de notre aventure, non ? Ben non. Je me sens comme si j’ai déjà fait mon deuil, que je suis ailleurs dans ma tête, même si je suis toujours dans notre appartement. C’est lourd. Dimanche, au retour du chalet vers Montréal, je fais une très forte fièvre et j’ai le moral bien bas. Thomas a eu la gentillesse de nous prêter un matelas de sol gonflable deux places pour cette semaine où on vit encore dans notre appartement, même s’il est vide. Malade, le matelas soufflé devient vite une torture. Même si j’ai pris soin de réfléchir à ce dont nous aurions besoin pour cette semaine entre-deux et le voiler, je ne trouve plus rien. Aymeric cherche ses jouets, Édène, notre chat, miaule son âme en déambulant dans l’appartement vide, le son amplifié à cause de l’écho. On cuisine avec un couteau, une casserole et une poêle. Moi qui adore laisser aller mon nouveau génie créateur dans ma cuisine, je me sens brimée. Bientôt, le frigidaire partira aussi. Laurent, qui se prépare à dire au revoir à ses collègues, vit la situation plutôt bien. Grrr. Pour ma part, je dois terminer les papiers d’impôts de Christine, notre gardienne préférée, puisque son contrat prend fin ce jeudi. J’ai tellement peur de faire une boulette que je procrastine en faisant l’autruche… jusqu’au jeudi. Simon, le père d’Annaëlle, chère collègue de garderie d’Aymeric, prend pitié de moi et me donne un coup de main salvateur. Je me cache le jour chez Ecto, espace de travail collaboratif où je me sens bien et où je maitrise la machine à expresso après un mois de séance d’entrainement. Bref, j’aime beaucoup le camping, mais juste pas dans mon « ancien » appartement que j’adore et qui, vide, me déprime incroyablement.