On patauge !

Il me vient souvent à l’esprit l’une ou l’autre des répliques d’un de mes films fétiches dans les moments les plus inattendus. En l’occurrence, c’est la voix de Béatrice Goulard de Montmirail (Valérie Lemercier), alors Jacques La Fripouille a laissé couler le robinet des chiottes, que j’entends dimanche matin : « Mais qu’est-ce que cette flotte ?! Il y a de l’eau dans tout le salon. On patauge ! » Le billet aurait aussi pu s’intituler comment survivre au camping d’hiver ou comment organiser des réparations qui n’en finissent plus de finir, mais la palme va au chauffe-eau de la muerte  (prononcé mouèrté), officiellement nommé ainsi par Laurent.

 

Chauffe-eau de la muerte 1 vs Laurent et Claudie 0

 

Après une première fin de semaine (sans Aymeric) passée à cibler les réparations les plus urgentes et à échafauder plusieurs plans, certains bidons et d’autres excellents, pour rendre l’intérieur du voilier habitable pour pouvoir y amener Aymeric, deux interventions majeures s’imposent. La première, il faut remettre le réservoir d’eau en polypropylène qu’on a fait réparer à Terrebonne à l’automne. L’artisan, super gentil, nous a même installé une jauge pour que nous puissions avoir une idée du niveau d’eau. La deuxième, colmater la fuite du chauffe-eau et le remettre en place. Tout ça paraissait relativement simple…

 

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Armés de bonnes intentions, on se rend au voilier samedi sous un soleil radieux. L’immense réservoir est en place et, miracle, malgré plusieurs entrées et sorties du caisson, la jauge semble intacte. Le chauffe-eau (remarquer que samedi soir, il n’avait pas encore de petit nom affectueux) est enduit d’une pâte scellant pour former un joint d’étanchéité (un gasket en bon français de mon Outaouais natal). « Est-ce qu’on met de l’eau ?! » me demande Laurent. Après quelques palabres, on décide de laisser la pâte sécher le plus longtemps possible et donc de ne remplir les réservoirs que le lendemain. Je suis très fière de dire que, si la fin de semaine précédente on n’avait pas BBQ faute d’avoir un interrupteur bloqué, c’est un problème résolu. En fait, le truc en plastique bleu a passé la semaine dans un bol de vinaigre à la maison; c’était sa petite cure de rajeunissement du printemps. Après un bon souper avec vue de notre terrasse, au moment de me mettre au lit dans mon sac de couchage (-7 degrés) et enroulée dans une épaisse couverture de laine (qu’est-ce que j’ai gelée la fin de semaine dernière), je m’aperçois qu’en dormant dans la pince, j’ai la tête en bas… Le ber du voilier incline légèrement le bateau pour permettre un meilleur écoulement de l’eau vers les passe-coques du cockpit. Charmant. Quoi faire par contre lorsque la chambre arrière est jonchée de matelas et de trucs (d’accord, ce sont des outils)? J’en viens donc à passer une sale nuit sur la minuscule banquette du carré. Au réveil, il fait 14 degrés (c’est tout de même mieux que le maigre 6 degrés de la semaine dernière). Bon, hop au boulot.

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Première chose, remplir les réservoirs. Sous une pluie drue, Laurent (j’ai oublié mon manteau à la maison et ma dernière alternative est de sortir sous un sac de poubelles) sort insérer le boyau d’arrosage dans l’entrée d’eau sur le pont. On attend, silencieux, le verdict de notre labeur. Vingt minutes plus tard, voire trente, j’entends un gros crack. Le banc de la banquette tribord se soulève. Merde ! Il faut enlever de la pression des réservoirs et vite, très vite. La réparation du polypropylène est humide (alors en fonctions de nos origines, en cœur, on lance un « fuck » et un « putain »). Si l’on est un calinours (bisounours), on se dit hourra, elle ne coule plus comme avant. On souffle par le nez et, surpris, on s’aperçoit que la température a tellement baissé que notre haleine se condense en vapeur… Plus de café pour nous réchauffer. Le support de la chaufferette à alcool (l’Origo de son petit nom) était trop grand, la cafetière a inondé le plancher pour saluer cette belle journée. La dépression gronde toujours à l’extérieur. Le vent se faire sentir dans les drisses du voilier qui s’abattent sur le mat dans un bruit sinistre. L’heure de vérité approche, il y a assez d’eau pour tester le chauffe-eau. Laurent branche le circuit électrique sur l’une de nos nouvelles batteries pour pouvoir allumer l’interrupteur de la pression d’eau. La flaque lorsque l’eau se met à pisser du réservoir, je n’en crois pas mes yeux. Un jet particulièrement puissant vient asperger le front de Laurent et là, contre toute attente (il faut dire qu’on est vraiment découragés) je suis prise d’un fou rire.

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On se rend chez Gosselin pour avoir une idée du prix des chauffe-eau. Au bas mot, 700 $ et il faut en prime refaire la table à carte. Justificatif : on est hors standard. J’ai la mine basse, la vendeuse me demande ce que j’ai (ils nous voient toutes les fins de semaine quand même). Après une brève explication, elle me répond « tu ne viens pas tout juste de t’acheter des bottes de pluie rembourrées ?! Et voilà pour ton déluge ». Après une série de plans A, B et C, on rentre au voilier pour nettoyer les flaques d’eau et la pâte à joint. Je refuse de payer un montant exorbitant pour remplacer un joint en plastique craqué. De retour sur Montréal, on profite du temps qu’il nous reste avant d’aller chercher Aymeric pour nous rendre chez ti-can (Canadian Tire pour les non-initiés). Oh, miracle, un mécano connaît le form-a-gasket.

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« C’est clair que ça ne peut pas tenir, ça résiste pas à l’eau ton truc. T’a pas choisi le bon tube ».

On accepte gracieusement ses conseils et surtout le nouveau tube de Permatex qu’il nous présente. J’attends des nouvelles d’une collègue plombière, peut-être a-t-elle le secret de la création de joints en plastique… Quoi qu’il en soit, samedi prochain, on gagne la bataille contre le chauffe-eau de la muerte.