L’autruche

Je suis enfin en année sabbatique et nous sommes réunis sur le voilier familial. Cette semaine est dédiée à notre adaptation familiale ; à l’instauration de nouvelles routines, question de nous sentir plus en sécurité. Comment ranger les outils hors de la portée de notre progéniture et travailler en même temps dans un espace de 36 pieds ; comment, simultanément, avancer dans nos rénovations et nous occuper d’Aymeric ? Pour l’instant, c’est un peu foireux comme la piscine nous appelle à coup de grands cris et que Laurent, après deux semaines de solitude sur le voilier en cale sèche (le voilier est hors de l’eau dans un très grand stationnement en gravier), est très content de passer enfin du temps avec nous. Après avoir refait une bonne partie du câblage électrique — le 12 voltes (ajout de borniers, d’une batterie de service, des connexions, d’un onduleur, etc.), puisque miracle, le 110 voltes et notre chargeur de batteries fonctionnent (malgré une tentative foireuse de les mettre en marche l’année dernière), il est grand temps pour lui de voir âme qui vive.

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L’assurance maritime nous pue toujours au nez. Après deux semaines d’attente — oui, vraiment, deux semaines —, nous avons enfin des nouvelles de la courtière. « Mme Larcher, l’assureur s’engage à vous assurer sous l’une ou l’autre de ces conditions : l’évaluateur n.1 vous fait un addenda à la première évaluation maritime en indiquant la date ultime à laquelle les réparations devront être effectuées ou bien vous refaites une évaluation maritime complète par un autre évaluateur qui, lui aussi, devra fournir une date ultime pour ces mêmes réparations ». Je rage qu’elle n’a pas le culot de me téléphoner pour me le dire, mais qu’elle nous transmet le tout par courriel. J’ai une boule au ventre… un troisième évaluateur va nous trouver des merdes supplémentaires juste avant le départ, ça va de soi, mais la première option m’oblige à communiquer avec le con/condescendant (l’évaluateur n.1). Je prends mon courage à deux mains et je lui téléphone (au con/condescendant) pour lui parler du devis du chantier et lui demander un addenda — en fait, un sursis pour la « date d’échéance » de nos varangues/supports de plancher. Je tente ma chance, un report de trois ans, si possible. Il maugrée, me dit que ce n’est pas sécuritaire, mais que bon, si le chantier maritime dit que c’est correct, pour la modique somme de 250 $, il accepte de traduire l’évaluation en anglais et d’y ajouter l’addenda. Victoire ! On respire mieux. Vendredi, un coup de téléphone à l’évaluateur n. 2 pour avoir le nom d’un mécanicien diésel et voilà, la discussion s’engage sur la réparation des varangues/supports de plancher. Je suis heureuse de lui dire qu’après réception du devis de la Marina Gosselin, le n.1 accepte de faire un addenda. D’un ton grave, il me répond : « Mon grand-père était assureur et ils sont là pour fourvoyer les gens. Tu vas te croire assurer et si jamais tu as un accident, c’est ton avocat et celui de l’expert n.1 contre la compagnie d’assurance devant un juge qui n’y connait rien et qui va dire “des varangues, c’est structurel, vous le saviez et vous n’avez pas fait les réparations. Vous n’êtes donc pas couverts.” Mettez ça sur votre liste des trucs à faire cet été, vous serez vraiment couverts en cas de pépin ». Après des mois à faire l’autruche, juste comme ça, je suis convaincue. Je n’ai pas la force de subir un procès aux États-Unis contre une compagnie d’assurance en raison d’une faute qui engage notre responsabilité civile. Bien sûr, ce n’est pas la valeur de notre voilier qui est en cause, mais bien la mince chance qu’on cause des dommages au rivage ou, pire, à un huileux américain trop fortuné.

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Bref, c’est terminé l’autruche juste quand la lumière au bout du tunnel vient d’apparaître. Laurent me fait remarquer que c’est assez ironique merci. Les préparatifs de la semaine de réparation s’organisent. Aymeric sera chez tatie Chantal qui sauve encore une fois notre départ. Elle a bien mérité sa visite aux Bahamas. Pour nous donner du courage, une dernière fin de semaine à Aylmer à se laisser aller au farniente à la plage et une superbe randonnée en montagne.

 

L’évaluateur n.2, qui n’est pas « S.A.M », certification exigée par la compagnie d’assurance londonienne, nous conseille l’évaluateur n.3, un gars sympa qui ne fait pas de grands cas de tout et de rien. Croisons les doigts. On se met d’accord pour une évaluation maritime complète la semaine prochaine. Ça n’efface en rien l’ancienne évaluation, mais ça nous permet de partir sur de nouvelles bases.