Vacances sur le lac partie 3/3
De Vergennes à Snug Harbour
Vendredi
10 juillet 2015 (Vergennes à Porter baie)
Bonne fête Aymeric, bonne fête Aymeric, bonne fête, bonne fête, bonne fête Aymeric. Il a tout juste un an et… aujourd’hui est un jour comme les autres, c’est-à-dire que sans réveil, pile poil à 7 heures du mat, il est debout. Crêpes au sirop d’érable pour monsieur — Laurent précise que c’est pour moi — avec vue sympa sur les chutes de Vergennes. Matin relax, enfin, jusqu’à ce qu’Aymeric, en nage, jette sa nourriture par terre en pleurant. Hop là, c’est le temps de la sieste. Comme nous sommes prêts à tourismer, je le réveil vers 10 h 30. Crème solaire, porte bébé, chapeau, on se tient la main sur le chemin pendant qu’Aymeric gazouille de découverte en découverte. Ce moment idyllique ressemble vachement à un aperçu grandeur nature de ce qui nous attend dans notre périple bahamien. Brunch au Vergennes’s Laundry qui est en fait une boulangerie tenue par Didier de Lyon (à Lyon, peine perdue pour le retrouver, mais à Vergennes, il doit bien être le seul !) et un bar à expresso. On en profite pour dénicher un cadeau pour Aymeric.

Départ de Vergennes, il fait beau, il fait chaud et on veut se baigner. Direction : Kingsland baie. Dans la veine de nos aventures de mouillage, c’est une journée digne d’une histoire d’horreur. Si l’on est à la poupe ou la proue du navire et que l’on regarde dans la même direction, forcément les deux matelots ne voient pas la même chose. Alors que je choisis d’ancrer à un endroit — bien sûr, dans la tête de Laurent, c’est un endroit merdique, j’étais malheureusement sans le savoir dû à un manque d’osmose, j’imagine — j’entends des bribes de « non » et de « putain » qui viennent de l’avant. Au final, après palabres, on doit être dans un petit coin de la baie, mais on se retrouve au milieu, devant une grande maison. Ébahies, on regarde un voilier s’ancrer tout de même assez proche de nous et… un deuxième se planque entre le deuxième et nous. Laurent, anxieux, regarde la berge qui est vraiment près. Je veux juste sauter à l’eau. Dans mon cas, le seul frottement de mes cheveux sur ma nuque peut me rendre folle quand j’ai chaud. Il s’agit en général du signe prémonitoire d’une grande colère imminente. Moi : « Bon, on va a la plage ? » Lui « : « Non, je ne veux pas y aller ». À voir la tête qu’il fait à Catina — je précise, ce n’est pas une danseuse russe, mais bien le nom du deuxième voilier — mieux vaut déguerpir. Conclusion, je me lance à l’eau avec Aymeric et nous mettons les voiles pour Porter baie.

Aymeric célèbre son premier anniversaire nu, dans le cockpit. Miracle, il aime ses blocs en bois ! Par contre, j’ai la vague impression qu’il a peur de son gâteau au chocolat qui a très bien résisté à quelques jours dans le réfrigérateur… Après la première bouchée, c’est gagné ! Il en profite pour étendre des traces brunes sur lui-même — il en aura sur les fesses — les coussins, la table, les bancs jusqu’à éprouver la patience de Laurent. « Putain, c’est dégueulasse ». Dans la nuit, une petite montée de fièvre accable Aymeric. J’en profite pour le rejoindre dans sa chambre et me sauver du clapot qui hante la cabine arrière.

Samedi
11 juillet 2015 (Porter Baie à Shelburne Baie)
Shit, c’est le mot pour décrire cette journée très intense en rebondissements et en émotions. Il est 8 h du matin et Aymeric dort toujours, bercé doucement par le mouillage. Nouvelle nuit brutale, il perce une molaire. Au réveil, il a les joues bouffies et pleurniche beaucoup. Vers 12 h, tout nu dans le cockpit, pour cause de fesses rouges, Aymeric (je me serai gardé une petite gêne si ça avait été Laurent) urine sans couche et à son grand étonnement, regarde son pénis. Pas le temps de réagir et de verser de l’eau dans le cockpit qu’il défèque joyeusement. Shit, vlam, merci Didier pour ton sac à pain ! Un grand sceau d’eau pour nettoyer le tout. Laurent découvre que le caillbotti flotte, bonne nouvelle !
On se prépare pour partir vers Shelburn baie et je dois vérifier l’huile du moteur et la propreté du compartiment moteur. J’y découvre une ½ tasse d’eau. Est-ce la même eau que sous le pot de fleurs sous l’égouttoir ? On enlève le plancher vissé pour découvrir qu’il s’agit bien de trois voies d’eau. Le passe-coque sous le compartiment moteur alimente bien l’équipet sous l’égouttoir. Quoi de plus logique que de permettre l’évacuation de l’eau de vaisselle ? Par contre, sous le plancher, devant l’égouttoir, se trouve une deuxième mare d’eau. On remarque de grandes coulisses brunes dans les cales, vis-à-vis des coins de notre ilot de cuisine en U, là où les mains courantes s’arrêtent — comme dans l’autobus, les mains courantes sont des rampes fixes qui permettent de s’y agripper pour garder l’équilibre. Pendant que Laurent colmate la fuite avec de l’époxy (c’est le produit miracle de l’été), il me semble que ça pue. Yark, on s’est baignés dans la baie, hier. Laurent me propose de sauter avant de partir. « Mmm non merci ». Tout bonnement, il me dit « bizarre cette toilette, quelques fois on ne sent rien et d’autres, c’est immonde, comme maintenant ». En blague, je lui réponds : « c’est parce que les excréments restent coincés dans le tuyau ». Bien, cette vue de l’esprit n’était pas une blague ! Ça fait 5 jours que nous n’avons pas vidé le réservoir d’eau noir. On peut dire qu’on en a testé la capacité réelle; l’odeur est exécrable.
Arrivé dans Shelburn baie, trop d’anicroches dans ma journée m’ont fait craquer. Incapable de nous coordonner au sujet de l’endroit où larguer l’ancre, je pleure à la barre et je veux rentrer au mouillage. Laurent, très doux, me dit « mais non, fais lentement une marche arrière et nous serons dans le bon sens, loin des voisins ». Fait. Victoire ! Le truc qui me turlupinera toute la nuit, par contre, c’est que nous n’avons pas fait de marche arrière pour déposer la chaine au fond ni tester l’emprise de l’ancre. Arnold me rassure, même si je dors avec un œil ouvert. Aucun changement de direction de vent prévu pour cette nuit et des vents de moins de 10 nœuds.
Dimanche
Youpi, notre maison est toujours à la même adresse ! Après le petit-déjeuner, vers 8 heures, Laurent me dit : « Le Hunter d’à côté a déjà démarré son moteur ». Impossible de savoir si notre ancre a chassé et si nous sommes trop près du voilier pour le laisser passer. Il faut donc partir, là là. Aucun souci, Arnold n’a prévu que suffisamment de vent pour s’amuser ce matin et rien du tout pour cet après-midi. En route pour l’île Valcour, je file à 6 nœuds, bien heureuse à la barre, quand Laurent me demande si ça me dit d’essayer notre pilote automatique. Moi : « mmm, bien je suis bien à la barre, il fait beau et je peux enfin faire des réglages fins des voiles. Après la bouée rouge, d’accord ? » Après plusieurs années de vie commune, on commence vraiment à connaître son conjoint. Quelques minutes passent. Laurent : « et si on essaye notre pilote automatique ? » À nouveau, je lui réponds : « Après la bouée rouge, d’accord ? » Un grincement sourd et soudain je perds le contrôle de la barre et de fait, mon cap ! J’empoigne la barre après avoir lâché un petit cri de surprise. Du carré, Laurent crie « ça marche ?! » J’aurais bien dû m’en douter… le pilote automatique ! Comme deux idiots, nous regardons notre barre à roue rectifier le cap du voilier par petits coups.
En tout, ça nous prend 4 heures pour arriver à Snug Harbour. Il est grand temps ; l’odeur horrible qui émane des toilettes fait craindre à Laurent un feu de méthane. D’ailleurs, le pompiste de la marina refuse d’ouvrir le compartiment du réservoir en nous expliquant qu’il a en reçu plusieurs à la gueule cette semaine avec la pression qui s’y accumule. En faisant le ménage et les dernières réparations, ça me frappe. L’eau sous le moteur n’est pas brune, comme celle de l’égouttoir… ça ne peut pas être la même voie d’eau. D’ailleurs, l’époxy à très bien tenue au drain et la voie d’eau est maintenant colmatée. J’ai plutôt l’impression que ça vient de sous le tuyau de ventilation du moteur. Alerté, Laurent soulève déjà le matelas de notre cabine pour avoir accès au moteur. « Putain ! (c’est un Français après tout) ça vient du presse-étoupe ». Moi : je ne comprends pas, on a un presse-étoupe étanche, non ?! » Le presse-étoupe est la pièce métallique garnie d’un joint qui assure l’étanchéité de l’arbre de transmission entre le moteur, à l’intérieur du voilier, et l’hélice, dans l’eau. En règle général, les presse-étoupes des voiliers ne sont pas étanches, mais laissent passer quelques gouttes d’eau aux heures et c’est normal. On a un modèle un peu différent, lorsqu’il fonctionne sans bris, le nôtre est complètement sec. Le problème, c’est qu’on n’est pas certain jusqu’à quel point il faut serrer le joint. Dès que Laurent y touche, le truc pisse de l’eau sous la forme d’un jet très puissant ! On est tout de même rassurés, encore une fois. En une semaine, on a trouvé la source de 3 voies d’eau. Reste plus qu’à poser nos questions aux experts du forum voile abordable.