Bulle familiale — elle est où ma tractopelle ?
Charleston, SC (Awendaw, Georgetown, Waccamaw, Calabash) — Carolina Beach, NC
Départ le 26 mai — arrivée le 1er juin 2017
32; 30; 28; 30; 42 milles nautiques
Sally, Sally, vient. Il faut remorquer Matter !
J’arrive Flash.
Matter, les tracteurs se promènent dans la ville !
Depuis déjà quelques lunes, on a tous une double personnalité. Si vous n’avez jamais eu le loisir d’écouter Les Bagnoles, ça manque à votre culture Walt Disney. Je suis Sally, une très jolie Porsche Bleue. Laurent est un peu plus… rouillé ; Aymeric lui a donné le rôle éminent de Matter, la remorqueuse. Pour sa part, fiston est rapide comme l’éclaire de Flash McQueen.

Ces derniers temps, s’il ne vérifie pas l’ancre, il fait pipi par-dessus bord. C’est trop chouette de faire comme papa et d’arroser les poissons ! La mer, la pêche et tout le tralala, c’est bien beau… sauf qu’il n’y a rien comme les véhicules. On a donc une panoplie de tracteurs, d’ULM, de tractopelles, de trains, de camions, de grues, de voitures, sans oublier le superbe tapis de circulation offert par tatie Flo. Vous voyez où je veux en venir. Dans les faits, dites, ça prend quoi et surtout on fait quoi avec un bébé de deux/trois ans sur un voilier ?

Vider le bébé avec l’eau du cockpit
Un excellent livre a été écrit sur le sujet. Combien j’aurai aimé pouvoir le lire avant de partir… mais le destin a voulu que Sabrina (de Passion Rebelle. Maman de Loïc, Océane, Thomas et Micah) le glisse dans un sac d’habits seconde main (avec une poussette et Walter) pour Aymeric. Merci pour cette solidarité fraternelle empreinte des brumes du large ! On se tient les coudes entre live-aboard. Kids in the Cockpit. A Pilot Book for Safe and Happy Sailing with Children de Jill Schinas fait maintenant partie de ma bibliothèque. Après plus d’une décennie de voile aux quatre coins du globe avec ses trois enfants, elle détaille tout ce qu’il faut savoir de la vie familiale sur un navire. Comme le monde est petit ! Schinas, Britannique, mentionne certains passages de la V’limeuse de Carl Mailhot et de Dominique Manny. La Québécoise en moi, ça lui a fait un petit velours.

Je ne vais pas réécrire le monde, ni même ce livre. Cependant, ne serait-ce que pour démystifier ma vie sur l’eau, je pense qu’il vaut la peine de dévoiler quelques trucs et astuces.

Le Quoi
Tu sais, cette chose dont tu te servais à la maison ? Les chances sont grandes qu’elle te serve également sur le voilier. J’ai donc fait une liste prédépart qui s’est avérée très utile. Pêle-mêle : des bavoirs, une gourde d’eau (Klean Kanteen), un siège d’appoint (d’une nécessité absolue. Sinon, Aymeric ne pourrait pas manger à la table avec nous. On a tous simplement pris celui de sa chaise haute. Keekaroo), un siège de toilette adapté (pour l’instant, le trip, c’est de s’accroupir sur le siège et de faire pipi face au couvercle…), un petit banc pour la toilette, un sac à dos avec un baluchon (y mettre les couches, les vêtements de rechange et, surtout, un sac pour rapporter la couche sale. Ce n’est pas une blague. Sur une île, même si l’envie te prend t’enterrer ladite couche, c’est à proscrire. Chez les zamis, qui sait quand ils verront un dépotoir), un sac imperméable avec fermeture pour les couches lavables (c’est le truc le plus ingénieux qu’on a trouvé pour réduire l’épandage d’odeur de caca dans le voilier ! Bummies) J’aurais aimé avoir un piqué pour le divan ou bien son lit. J’ai pris l’une de nos serviettes (toutes les serviettes à bord sont en microfibres. Le coton ne sèche jamais). Eurêka, le dessous de nos coussins est fait de plastic pour couper l’humidité. Une fois renversé, c’est gagné. Tu as l’impression de t’asseoir sur le sofa d’une mémé un peu paranoïaque des tâches et tes fesses collent sur le faux cuir, mais le pipi s’essuie très bien.

J’allais oublier. Choisis bien, très bien, ta crème solaire. À l’automne et aux Bahamas, on se protégeait sans avoir la sensation de brûler au soleil. Ce n’est plus le cas dans les Carolines au printemps. Les rayons UV sont tellement forts qu’on se cache sous le bimini. Avant de partir, je m’étais équipé d’un stock de Douce Mousse bio à action physique (zinc) suffisant pour une armée. En soi, cette crème solaire est très bien. Par contre, quand il faut en mettre 6 voire 8 fois par jour (baignade oblige), tu mords et ton gamin donne des coups de pieds. Elle est tout simplement impossible à étaler. Mutinerie à bord garantie. Si crémer, ce n’est pas ton fort, ça vaut la peine d’investir dans un costume de bain longue manche de type rash guard avec un FPS de 50. On a pris celui d’Aymeric chez MEC. Il a aussi une combinaison isothermique pour les plongées (MEC). J’adore son chapeau de tous les jours ! Il sèche ultra rapidement, protège le cou et possède un FPS de 50 (Calikids).

Certains matins, la tête encore dans les nuages, Aymeric me regarde le plus sérieusement du monde et me crie, tout bonnement :
– Le gars de la tractopelle m’a dit que le rouleau compresseur, c’est ça qui est vraiment drôle !
Bizarrement, l’idée ne nous était jamais venue en tête qu’Aymeric puisse trouver le temps long. Il est petit pour avoir sa propre cabine (d’ailleurs, la plus jolie du bateau), mais ça vaut le coût puisqu’il peut y faire régner le chaos sans danger imminent pour les autres membres de l’équipage. Glisser et tomber à la renverse, le pied sur une petite voiture cachée sous la descente, non merci. Dans les jouets à préconiser, les Duplo/Legos valent leur pesant d’or de pirate. Ce n’était pas instinctif. Après quelque temps à jouer avec lui, aujourd’hui, il s’amuse seul à construire une piste de course pour la Piston Cup. Arts and Crafts. J’ai une boîte qui contient de la peinture, des ciseaux adaptés, des feutres, des autocollants, de la pâte à modeler, etc. Il a un jeu de société qui a été recommandé par Gigi, orthopédagogue. Les escargots. Ces temps-ci, on fait une partie ensemble le soir.

Ce qu’il aime. Ça peut sembler évident, mais au fil du temps, ses goûts changent. Aymeric adore toujours autant lire (c’est le seul à être capable de lire dans sa cabine pendant une traversée) et sa bibliothèque reflète ses passions du moment. On a trouvé beaucoup de livres (pour nous comme pour lui) dans les coins « vente » des bibliothèques de la côte. Et pendant les longues heures de l’Intracostal ? Deux jeux qu’on aime bien en famille : les concepts et les mots de l’alphabet. Le premier consiste à choisir un concept. Les véhicules, vous l’avez vu venir, non ? Chacun, à tour de rôle, nomme un véhicule. La seule règle, ne pas redire ce qui a été préalablement nommé. Pour le deuxième, il s’agit de nommer un mot qui commence par la lettre de l’alphabet choisie par Aymeric (l’autre jour, il a dit « bonne betterave ! »)

Plus jeune, j’avais fabriqué un filet qui servait de barrière pour qu’il ne tombe pas de son lit en navigation (un lee cloth fait aussi très bien l’affaire). Ça fait belle lurette qu’il ne veut plus que je l’installe. Quelques fois, j’entends un gros boum en plein milieu de la nuit. Il est un peu sonné, mais se rendort de suite. Avant qu’il ne sache marcher, comme il ne voulait pas à l’époque jouer seul dans la maison-bateau, on attachait son siège d’auto à la barre à roue. Certains m’ont dit avoir utilisé leur poussette pour la même raison.

Comment
Ma principale peur, c’est bien sûr qu’il tombe à l’eau. Après des années à travailler en piscine, il est clair pour moi que tous les vestes (VFI) et gilets de sauvetage ne se valent pas. À l’hiver 2016, on a testé la veste d’Aymeric pour nous rendre compte qu’elle l’étouffait, littéralement. Exit. De mémoire de sauveteur, la meilleure compagnie au Québec, c’est Aquam. Par contre, manque de bol, ils ne vendent pas leurs gilets de sauvetage aux particuliers. Finfinaude, j’ai fait un appel et voilà, mon gamin est à l’aise dans une veste Aquam bien coupée pour sa taille. Elle le maintient très bien hors de l’eau. Il faut savoir qu’aucune veste pour bébé ne peut réellement être efficace dans une mer montée. La seule solution valable à mes yeux, s’assurer de garder le gamin à bord !

J’en profite pour dire qu’on demande toujours à Aymeric de porter sa veste en dingy. Les chances sont beaucoup plus grandes qu’il passe par-dessus bord dans la voiture-bateau. Je me souviens de la fois où… on a fait un vol plané quelques secondes dans les airs. Il a aussi une veste d’apprentissage pour la natation qui se nomme M. Sandwich. Ce n’est pas une veste de sauvetage ; il ne faut jamais qu’il soit seul dans l’eau sous prétexte qu’il porte M. Sandwich. D’ailleurs, il faut voir l’état du truc, massacré par le soleil et l’eau salée. Mieux vaut être équipé de plusieurs types de vestes qui servent toutes à un truc en particulier que d’en avoir qu’une seule qui porte tous les chapeaux. Une telle veste, ça n’existe pas.

J’ai froncé moi-même les sourcils quand le temps est venu d’attacher Aymeric dans son harnais (Victory) et de frapper sa longe à la barre à roue. (L’anneau est situé à l’avant, mais les sangles sont un peu grandes pour lui. À deux ans, il fallait mettre son gilet de sauvetage sous le harnais pour qu’il soit suffisamment serré. Alléluia, il faisait froid. Je n’ai pas fait grande recherche sur le sujet, mais j’aurai dû.) Un gamin en laisse dont les mouvements sont limités, horrible ! Toujours mieux qu’un gamin à l’eau, non ? Le hic, en voilier, c’est que la sécurité du navire (et conséquemment de tous) exige très souvent, sans prévenir, une manœuvre à exécuter sur-le-champ ! C’est absolument impossible, dans ces moments, de prendre le temps de chercher ton enfant pour s’assurer qu’il est à l’intérieur et non suspendu à la bôme.

Une consigne, c’est tout ce que ça prend, non ? Il sait très bien qu’il doit garder les deux pieds dans le cockpit en navigation. Cela dit, je n’ai pas envie de tester la capacité d’obéissance de mon fils en moment d’extrême urgence. D’autant plus qu’il a de la difficulté à garder les deux pieds dans le cockpit… et qu’on est vendu au modèle coopératif. Même si je hurle « baisse-toi, la bôme vient! On empanne ! », il va continuer à regarder la mouche, là, sur l’écoute du génois. Et c’est juste normal ! Ça peut paraître surprenant, mais il n’a jamais demandé à ce qu’on enlève son harnais. Je suis persuadé qu’il se sent ainsi en sécurité. Si l’on oublie son harnais par mégarde, il le demande. Idem pour sa veste. Schinas recommande le port du harnais en mer jusqu’à 7 ans.

Le petit bonhomme, il a grandi. À maintes reprises, il a fait preuve d’une capacité globale à se mouvoir de plus en plus aiguisée. Aujourd’hui, en navigation, il ne porte que son harnais (qui lui fait). À l’ancre, il peut gambader sur le pont sans être attaché. On lui demande simplement de nous le dire, en tout temps, s’il veut sortir à l’extérieur. Comme notre filet de sécurité ne passe ni devant la proue ni derrière la poupe, il doit attendre notre permission. Ça manque, pour la paix d’esprit de tous, on le sait. Dès qu’un adulte est avec lui dehors, il est libre. Nomade avait une tente pour que les enfants puissent se balancer sur leur pont. L’idée est géniale ! Une drisse secondaire peut aussi servir de liane pour le singe en herbe. Oui, il grimpe partout. Il ne peut pas courir… il n’y a pas de place. En ce moment, il est suspendu aux mains courantes (les rambardes qui servent à se rattraper, lorsque le plancher penche soudainement de 20 degrés).

Il est tombé plus souvent dans le bateau que dans l’eau… Ce sont tout de même des chutes de quelques pieds. Sur Baila, on l’a vu disparaître par le hublot de la chambre d’Anna ! Plus de peur que de mal. Il m’a raconté son aventure pendant quelques jours, signe qu’il en a été marqué. Les hublots… Il fait chaud, souvent terriblement chaud. Je ne peux pas fermer son hublot de cabine parce que j’ai peur que l’envie lui prenne de sortir prendre l’air et de vérifier l’ancre pendant la nuit… Comme souvent il nous imite, on ne sort plus jamais la tête par son hublot. Une fois, je l’ai vu empiler des coussins pour atteindre son hublot. Si c’était à refaire, Schinas recommande une alarme de pont (le même type que pour les voleurs) pour les nuits à l’ancre ou au pont. J’ai lu un billet d’une femme qui avait trouvé une alarme d’eau, si je puis dire (Safety Turtle). Je m’explique. Le gamin portait une montre qui, lorsqu’elle touchait l’eau, activait l’alarme. La femme avait été étonnée par son efficacité. Un soir, en panique, elle fouillait l’obscurité et l’eau trouble du port à la recherche de son fils quand il est venu la voir sur le pont. Après la peur de sa vie, elle a compris que l’envie-lui était passée par la tête de lécher sa montre… Si l’alarme de pont est moins intrusive, celle pour l’eau doit être beaucoup plus facile à gérer. Bref, lorsqu’on repartira en vadrouille, on sera équipé de l’une ou de l’autre.

Je reviens une dernière fois sur les couches. Je me suis gratté le cuir chevelu pendant un bon bout de temps sur le sujet. Lavable ou jetable ? Peu importe mes convictions environnementales, j’avais plusieurs entrants à considérer. En premier, l’humidité l’automne est tellement présente qu’il est impossible, même les jours de soleil, de faire sécher les couches lavables sur le pont. Une buanderie ? Oui, certes. Cependant, winter is coming. Tu n’as pas nécessairement le temps de passer quelques heures aux 5 jours à la buanderie. J’ai donc jugé qu’il valait mieux pour nous de stocker l’équivalent d’un mois et demi de couches sous la couchette d’Aymeric. Elles se trouvent facilement sur la côte Est, de même que les dépotoirs. Par contre, aux Bahamas (ou toute destination soleil), il m’aurait vraiment fallu des couches lavables. L’eau salée et le soleil les blanchissent merveilleusement bien ! Elles ne prennent pas de place et ne demandent qu’un peu d’eau propre à la consommation pour le rinçage (oui, on surveille notre consommation d’eau à la goutte). Mises dans un sceau (avec quelques trous), lequel est attaché au voilier, et voilà une machine à laver en action. L’argument massue… c’est quasi impossible de trouver des couches et si, dieu soit loué, tu en trouves, elles coutent la peau des fesses. Le pire, c’est que, le trois quarts du temps, tu ne peux pas les jeter. Elles passent plusieurs jours dans le puis d’ancre à attendre qu’on tombe sur un dépotoir payant. Bref, arrêtons de se creuser la cervelle, ça prend les deux types de couches !

Prochain billet bulle familiale — quelques principes éducatifs de live-aboard pour rester zen.
Note. Tous les produits mentionnés me servent à l’exception de la montre tortue et de la tente. Je suis certaine que des produits similaires existent et que ça en vaut la chandelle de faire quelques recherches.
