Ras le pompon des hauts-fonds

Calabash River, SC (Butler Island; North Santee River)—Isle of Palms, SC
Départ le 22 novembre à 8 h – arrivée le 25 novembre à 14 h 37 2016
(50 ; 16 ; 34 milles nautiques)

Flottille

La flottille, réunion de petits bateaux, donne le ton à la grande aventure de ces derniers jours. Si suivre l’ICW (l’Intracostal) semble bébête et inflige ledit sentiment à ses pèlerins, le stresse nous accable pour autant. On n’a cure de frapper une baleine, bien que la VHF nous mette en garde contre la possible collision tous les matins. Non. Dans le labyrinthe marécageux qui constitue la toile de fond de notre paysage journalier, ce sont des hauts-fonds dont il faut se méfier. Prenez-garde ! Et pour ne pas faire les frais de Boat Us, le remorqueur des mers, on vagabonde entre amis à la queue leu leu – Xalya, dorénavent et Katmandou. Combien de fois est-ce qu’on se répète « une chance que c’est beau… » Après avoir rattrapé Katamdou à Carolina Beach (20 jours d’absence), c’est Xalya qui nous attend à Calabash. Un peu en aval, à Southport, on avait pris soin de leur donner nos coordonnées pour la prochaine nuitée.

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Couché de soleil à Butler Island
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On y était jusqu’au petit matin…

Voyager en flottille permet à la fois de faire ouvrir les ponts plus rapidement (la pure force du nombre) et surtout de sortir de sa mauvaise fortune le bateau de voyage capturé par un haut-fond. Comment ? Un bateau-copain à moindre tirant d’eau — la profondeur maximale de la quille sous la surface — tourne autour de l’échoué. L’effet combiné des vagues permet de soulever la coque et de faire glisser la quille sur le sable. Le malheureux peut ainsi se tirer d’affaire. Le principe, même s’il est relativement simple, peut-être difficile à mettre en œuvre dans 5 pieds d’eau… Le seul hic d’être ainsi accompagné réside dans l’espace tridimensionnel qu’occupent deux catamarans et un voilier. En arrivant à trois, si d’autres y sont déjà, c’est la galère pour jeter l’ancre. Parlez-en à Mim, le petit Trawler qui a dû s’y prendre pendant une heure trente pour se caler entre Katmandou et dorénavent à Calabash.

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Une belle brochette. Mim, le trawler qui s’est faufilé…

Entre les cartes Sonar Charts et les cartes gouvernementales fournies dans Navionics, les divergences sont frappantes. Étrangement, ils hurlent au haut-fond à tour de rôle et jamais simultanément… Si ces pièges submergés sont bien sûr répertoriés, la mouvance du sable, en raison de la marée de 8 pieds, laisse tout un chacun sur sa quille ! Les îlots d’herbes folles que Philip soupçonne d’être de petites rizières sont irrigués constamment pour retenir le peu de terre qui s’y trouve. Dans l’Intracostal, entre la Caroline du Sud et la Gorgie, deux « choix » s’offrent aux voiliers : braver les hauts-fonds au risque de s’échouer ou bien naviguer avec la marée. La deuxième option, plus prudente, est chronophage.

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Katmandou à North Santee River
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Xalya à Butler Island au petit matin
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Gigi perdue dans la brume

Après trois navigations, hier, on a laissé dernière nous Xalya aux détours du labyrinthe. Ils attendent la marée. Aujourd’hui, c’est Katandou qui poursuit sa route sur l’Intracostal alors qu’on reste bien ancré. Notre fenêtre météo pour une saucette en mer ne s’ouvre que demain. S’il y a une chose qui importe dans le voyage au long cours, c’est bien la capacité du capitaine à prendre ses propres décisions et à tracer sa route. Pourtant, je suis attristée que ma flottille prenne fin soudainement. J’adore les coups de main et l’entraide pendant les traversées. Patricia, sur la voie 71 de la VHF : « Mon profondimètre sonne sans arrêt et j’ai vue du 3,9 pieds sous mes quilles ! Faites attention entre la R 35 et la G 42 ! » D’ailleurs, après plus de 9 h 30 de put put put dans la forêt des malaimés, c’était la fête du touski (reste dans la frigo) sur Xalya qui nous recevait tous dans son superbe carré. L’échange de secrets de bonnes femmes est fabuleux… l’une de nous à révéler jeter par-dessus bord son compost la nuit ou bien en navigation et ainsi réduire de moitié les odeurs et la taille des ordures.

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Un îlot de palmiers
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Entretien quotidien

Perso, j’en ai ras le pompon des hauts-fonds. Cette écoeurite aiguë justifie à elle seule notre réticence à poursuivre l’intracostal, les yeux rivés sur notre profondimètre qui hurle ses poumons. Il faut que le navire et l’équipage puissent prendre la mer. Aujourd’hui, on se repose et cuisine pour nous sustenter demain alors que les vagues feront un mètre/un mètre trente. On a même poussé le luxe jusqu’à tous prendre une douche ! Ça fait longtemps qu’on n’avait pas eu de papillons dans le ventre et le sourire aux lèvres à la perspective de voguer. Anne et Éric sont d’ailleurs déjà loin, ayant pris la mer à Beaufort. Voici un compte rendu de notre apéro où, le vent dans les voiles, Aymeric a exploré leur voilier… Hericanne.