Moteur diesel 201

St-Augustine, FL (Daytona Beach ; Titusville) – Melbourne, FL
Départ le 12 décembre vers 5 h 45 – arrivée le 15 décembre vers 13 h 15
46 ; 42 ; 30 milles nautiques

Si vous êtes de ces illuminés qui cherchent de l’information sur les moteurs diesel dans les blogues des pauvres navigateurs, vous allez être servi. (Je confesse, c’est notre cas. On est tombé dernièrement sur un couple qui disait avoir complètement tué son moteur sans dire où ils l’ont fait réparer et quels étaient les problèmes. L’injure !) Sinon, fuyez comme la peste ! Sans blague, The friendly one, à Jacksonville, nous a mis la puce à l’oreille. « All this black smoke/soot on your skirt is not normal, man. » Quelques jours plus tôt, on avait fait le même constat. L’arrière du voilier est d’une saleté incrustée noire qui vient du pot d’échappement du moteur diesel. Comme il n’y a pas de fumée ou de boucane, strictement parlant, lorsqu’on navigue, on ne s’inquiétait pas trop… Sauf que, les Bahamas ne sont pas réputés pour leurs marinas (plutôt pour l’absence de services) et plus on descend la côte floridienne, moins il sera possible de faire des travaux nous-mêmes sur le voilier, le cas échéant.

Départ dans la brume de St-Augutine vers Titusville. On ne voit rien, strictement rien!

Et puis, c’est surtout que quelques signes criants nous amènent à consulter un diéséliste. Le premier, au point mort (neutre/idle), on entend un toc-toc-toc qui fait grincer des dents. Pour pallier le son, on met rapidement le moteur en marche avant et, conséquence, les manœuvres sont plus difficiles sous vent et courant dans les « aires d’ancrage » de Skipper Bob. Le second, notre joint d’étanchéité, coule. Soyons de braves gens et appelons cette pièce le presse-étoupe même si techniquement, ce n’en est pas un… C’est le bout de caoutchouc qui empêche l’eau d’entrer dans le bateau par le passe-coque entre le moteur et le tube d’étambot. Encore plus simple, pour que le moteur puisse faire tourner l’hélice (le bidule dans l’eau qui fait avancer le bateau), le bâton (l’arbre d’hélice), attaché au moteur, doit pouvoir sortir dans l’eau… Bref, la pièce qui nous a coûté la peau des fesses et qu’il a fallu faire venir de France par l’intermédiaire du père de Laurent parce que l’espace disponible entre le tube d’étambot (un tuyau de fibre de verre dans lequel se « place » le bâton) et le moteur est trop restreint pour les joints d’étanchéité communs. Laurent soupçonne (et je suis bien d’accord, ça vaut la peine d’être mentionné) que l’arbre d’hélice est désaligné. Comme notre tube d’étambot est large, en soi, ce n’est pas bien grave. Le souci réside dans l’usure prématurée du joint d’étanchéité qui travaille en biseau et donc laisse couler de l’eau salée.

Mais où faire réviser le moteur ? Est-ce que c’est vraiment nécessaire ? Avons-nous les sous ? Comment expliquer en anglais ce qui se passe vraiment avec notre moteur ? Comment savoir si le mécano est certifié (j’essaye de ne pas être sexiste dans la vie, mais je n’ai jamais vu une femme diéséliste dans une marina. Si vous en connaissez-une, je veux la rencontrer ! Elle aura peut-être d’autres manières de m’expliquer les solutions envisagées…/mais encore, le mec qui, comme Laurent, est autodidacte, fera-t-il une moins bonne job parce qu’il n’a pas de papiers ?) À Titusville se trouve la dernière marina où il est possible de faire des travaux soi-même. C’est près de Fort Lauderdale, mais sans la lourdeur de cette grosse ville. J’y ai trouvé un indépendant qui possède un quai adjacent à la marina qui, elle aussi, offre des services de mécanique diesel. Mieux vaut deux que rien. Bon, ça me laisse deux jours pour m’y rendre, je prends rendez-vous de suite. Google that confirme qu’on a fait le bon choix ; Jeff et son équipe de chez Boaters Edge sont géniaux dans tous les commentaires ; la plupart sont très récents. On se rappelle qu’enceinte d’Aymeric, j’ai suivi un cours de 40 heures de mécanique diesel avec Laurent, le 101 de l’École de navigation. On sera mis à rude épreuve de mécanique et d’anglais !

Gigi

Gigi et Philip, d’une grande bonté, ont accepté de prendre la peste pour l’avant-midi, du moins jusqu’à qu’on en sache plus sur l’état de notre moteur. On a la trouille, bien évidemment. La facture risque de nous passer au travers de la gorge. Murphy, mon ami, regarde avec un petit sourire sarcastique le vent se lever alors qu’on tergiverse dans le cockpit. On y va en voilier ou bien en annexe ?! Ça semble simple, non ? Dans les moments critiques où il faut agir, j’ai toujours la vague impression que Laurent se fige ou bien qu’il tourne en rond. Il vous dira que je mords et hurle des ordres qui, quelques fois, n’ont pas de sens. Bref, je laisse l’homme sur le pas de la descente et téléphone… j’avais bien saisi, il faut s’y rendre avec notre moteur diesel. L’eau est peu profonde, les moutons valsent devant nous et le chenal est étroit. On en profite donc pour réciter nos problèmes de moteurs. Laurent, suspicieux de nature, juge qu’il ne faut pas tout dire : « Ils vont s’en servir pour réparer des trucs qui sont corrects et puis nous charger une fortune ! » Je rétorque « Ça n’a aucun sens, pour résoudre un problème, il faut toutes les pièces du casse-tête, tu le sais, c’est ta job ! » Silence malaisant.

Boaters Edge

Le quai en angle me semble tellement près de la berge et, surtout, entouré d’épaves. Je suis sidérée, les effets dévastateurs de Matthews se font ressentir à des milles à la ronde. Jeff: “It’s me you are looking for. What are we doing today, exactly?” Rapidement, il gagne la confiance de Laurent. Un signe ne trompe pas, il enlève ses chaussures avant d’oser entrer dans notre voilier. Jeff remarque immédiatement que les vis qui retiennent les montures en métal des silent blocs sous le moteur sont dévissées et surtout desserrées. V’l’à la source du toc-toc-toc qui nous accablait au point mort. Les vibrations venaient soit des silents blocs ou bien de l’arbre d’hélice dans le tube d’étambot. Puis, les jauges ne mentent pas, le moteur est en effet désaligné et pas à peu près. L’espace entre le moteur et l’inverseur est plus grand en bas qu’en haut. Résultat, le moteur penche vers l’arrière. Il se peut que le joint coule plus ces prochains jours comme l’usure s’est faite en biseau jusqu’à maintenant.

Tout près de nous…
Boaters Edge

Jeff passe le flambeau à Mike, diéséliste. Mince, tête blanche à lunette, Mike habite dans un Dufour 34 et, sous le sceau du secret, dit tout bas à Laurent « But the true engine is the sails. » Rien d’accablant au premier regard ; le moteur laisse bien une suie sur la jupe, mais ne boucane pas. Il nettoie nos injecteurs et nous conseille de mettre du Sea Foam dans notre diesel chaque fois qu’on fait le plein. Notre vitesse de tour minute au point mort lui paraît élevée, mais à peine. Son principal souci, c’est plutôt qu’on roule à 2300 tours minute en continu « Oh! You should go up to 2500/2800 rpm for a couple of hours every day that you are on the move. » Ils conviennent que, comme le moteur fonctionne très bien, rien ne sert de chercher une aiguille dans une meule de foin et de nous retourner avec un problème pire sur les bras. Je devrais donc continuer à nettoyer la jupe au Mr. Net. Pour ceux qui sont curieux, malgré un taux horaire de 100 $/h, la facture de 200 $ nous a paru très raisonnable. En plus, eau potable et douche.

En quittant le quai en angle, j’oublie de fermer le hublot de la cabine d’Aymeric et me retrouve la jambe dans le vide, les côtes plaquées contre le pont, la moustiquaire défoncée. Purée, ça fait mal. Je suis frustrée contre moi-même ; quelle nouille ! Pire, à la hâte, je replace l’annexe sur son taquet et me coince le doigt sous son amarre. Les larmes coulent sur mes joues et j’agite mon pouce. L’après-midi relax sera bien mérité tout de même… Mais non, toi ! On retourne à notre lieu de mouillage, tout petit enclos légèrement plus profond et bien protégé par un pont. Pour éviter un crab pot, je me retourne derrière Katamandou qui fait 3 pieds de tirant d’eau. Le profondimètre a à peine le temps de hurler que je glisse tout, tout doucement sur un haut fond de sable. Si bien que Laurent ne se rend pas compte de suite de ce qui nous arrive. Philip, qui vieille au grain, se prépare à venir nous donner un coup de main quand, subissant l’assaut de vagues rondelettes, on se libère peu à peu.

Disco night jusqu’à 24 h