L’apéro
Solomons, MD – Annapolis, MD
Départ à 7 h 50 — arrivée 15 h 5
45 milles nautiques
Annapolis comptait parmi nos destinations privilégiées sur la baie de Chesapeake puisque s’y tient le boat show annuel le plus important en Amérique du Nord. Bien sûr, on l’a manqué ! N’empêche que la petite ville touristique me faisait de l’œil. Un baume sur le cœur après le pinacle de la débandade à Baltimore. Laurent souhaitait faire le changement d’huile, on tardait un peu à s’y mettre… Si c’est comme la voiture, le moteur va survivre. J’ai fait le test dans ma tendre jeunesse… Au petit matin, l’homme et le gamin s’y mettent. Je joue l’arbitre et je tente de convaincre le second de lire un livre. La minuscule fuite de diesel sur la ligne d’alimentation entre la pompe primaire et le filtre secondaire n’a toujours pas été réglée. La raison en est fort simple : une, deux gouttes maximum s’écoulent à l’heure lorsque le moteur est en marche. Qui plus est, il faudra saigner (enlever les bulles d’air) ladite ligne d’alimentation. Quoi si le moteur ne démarre pas bien ou pire ne démarre pas après sa chirurgie ? On sait bien qu’on doit le faire. Toujours est-il qu’on se traîne les pieds. On a bien des pièces de rechange à bord, mais les bons joints en cuivre (coper gaskets), pas sûr… La vidange d’huile est faite et nos devoirs mécaniques progressent. Après avoir lu sur un site internet les réponses, en anglais, de proprios de Yanmar 3GM30-F aux prises avec cette foutue fuite — pas mal certain d’avoir compris la même chose — on décide de se rendre chez le ship chandler demain pour acheter les pièces qui nous manquent (dont la metal mesh hose). On a l’après-midi de libre, c’est la fête !

Denis, rencontré la veille à la brunante, nous a proposé d’accoster notre dingy à son quai privé et, surtout, de nous balader dans son quartier, le Bayridge. J’en suis ravie, c’est peu dire. L’après-midi ensoleillé semble le moment idéal pour nous dégourdir les pattes à la recherche d’un parc de jeu. Il ne faut surtout pas oublier de saluer Odile, sa femme, avant de rentrer pour la nuit à la maison-bateau. De retour de notre balade sur terre, là voilà qui sort de sa maison pour nous saluer ! Elle est Suisse d’origine, immigrée aux États-Unis depuis 42 ans. Pour une fois que je suis gênée, Laurent semble tout à fait à l’aise et très heureux de converser avec Odile en français. Le rouge me monte aux joues ; elle nous propose de prendre un apéro chez elle. Je suis sidéré ! Il est coutume, du moins je le pense, d’être invité à papoter dans un monocoque par d’autres candidats au voyage. Là, on prend un verre d’un excellent vin dans une superbe maison, propriété de riverains locaux. Parents de trois enfants et grands-parents, ils ont plusieurs camions et trains. Aymeric ne sait où donner de la tête entre les jouets et le chien, Milou. Finalement, il ira, avec sa ficelle, à la pêche au chien ! Denis arrive un peu plus tard dans la soirée. Le comble, il nous invite à souper. « It’s getting late, he must absolutely eat, no? » Comme on mange habituellement vers 19 h, non, je ne pense pas qu’Aymeric meure de faim. Et puis, il a eu droit à l’apéro (jus de pomme, craquelins et amandes), tout comme nous.

Laurent me regarde intensément, cherchant mon approbation. Je sens bien qu’il veut rester et moi aussi, j’ai bien envie de me tirer une buche et de jaser politique avec Denis. Nouveau regard intense de Laurent, je le vois réfléchir à toute vitesse. « Merde, pourquoi est-ce qu’elle parle du mur canado-américain de Trump ? » Contre toute attente, Denis me répond « Oh ! Hilary is gonna win, that’s for sure. The lesser of two evil. Who would you vote for? The criminal or the criminally insane? How could we end up with these two is beyond me. These elections are so boring. » Laurent, curieux, veut savoir pourquoi il y a des pancartes sur les pelouses qui annoncent « four strong judges ». Denis : « Oh, this I am interested in. The governor gets to elect county judges for a two years term. After that, people get to vote to either keep them in or get them loose. Next term is 15 years. ». Je suis surprise. “Do people actually vote in these elections?” Denis : “Yeah, I think the rate is higher than for the presidential… This state is so ‘democratic’ that it is not even a concern here. If you are a conservative, you don’t vote. It won’t change anything. If you are a democrat, well, you go or not, knowing that the democrat will get in anyway.”
Notre petit bonhomme, qui était jusque là obnubilé par ses camions, demande maintenant l’attention d’Odile en lui tendant les bras. Je me suis juré de bien le surveiller sur les quais, il aime tout le monde ! Épinards, poitrines de poulet, tomates et salades, on a vraiment bien mangé. Juste avant de partir, Denis et Odile nous offrent des coups de poules. Oui, j’ai bien écrit des coups de poules. Devant leur maison, sous notre maison-bateau, plusieurs crabes bleus de la Chesapeake sillonnent les fonds. On rentre dans notre voilier. Il fait noir et il fait froid, brrr. J’ai bien invité Denis et Odile à venir visiter dorénavent, ancrer juste devant leur perron.
Journée de tourisme à Annapolis
Bon, il y a quelque temps, j’ai cessé de planifier des activités puisqu’on n’a jamais le temps de les faire. Ça ressemble plutôt à une bataille qu’Aymeric gagne la plupart du temps. Donc, visite du parc de jeu d’Annapolis et puis rinka-rankala (c’est un terme alsacien que j’adore et qui rend tout en image les multiples détours) dans les rues anciennes de la ville avant de nous aventurer chez le ship. Aymeric a réussi à tomber endormi dans l’annexe et je le porte dans mes bras au travers de la cour de la marina. La position est insoutenable ; il porte sa veste de sauvetage. Je finis par l’asseoir sur le comptoir du magasin, soulagée. À côté du commis du ship, mon père est loquace ! On a tout, youpi. Gigi et Philip sont arrivés pendant qu’on déambulait on ville. Ils acceptent de garder Aymeric demain pour qu’on puisse enfin réparer la fuite de diesel.



L’ancre dérape
Ce matin, maintenant fameux dans les annales, notre ancre chasse. Mmm. Je sais, ce n’est pas très cool, mais je laisse Aymeric entre les bonnes mains de Gigi en sachant très bien qu’on ne touchera pas au moteur. Je ne peux pas m’imaginer un seul instant sans moteur si l’ancre vient à déraper une deuxième fois. Il fait froid et gris, la pluie tambourine sur le toit. Sans charge d’âme, j’ai le temps d’écrire, de relaxer et même de me laver ! Rendez-vous sur le Katmandou pour souper. Au menu, un pâté chinois avec patate en flocons… Eh bien, ça se mange. On revient bredouille de notre première expérience de pêche aux crabes. Ils ont bien aimé le poulet, mais n’ont pas daigné se laisser prendre par l’épuisette.


Départ matinal
Ça y est, on a dû partir tôt ce matin sans être capable de dire au revoir à Denis et à Odile en raison du vent favorable. Ce n’est que partie remise pour l’année prochaine. On a eu une superbe journée de voile. Suffisamment sportive, sans avoir la peur au ventre. On a fini au travers (cercle des allures) puisque déporté par le vent et les vagues. Ça brassait par là ! Aymeric : « Bon, il y a des vagues. » On a réussi des pointes à 9 nœuds et on en est pas peu fier. Prendre une deuxième prise de ris c’est avéré un impératif quand on a surfé une immense vague qui a atterri à quelques centimètres du cockpit. Bon, on souhaite du vent de 15 nœuds, en moyenne. Aujourd’hui, il était annoncé à 15-17 avec des rafales à 25 nœuds. Erreur, la bouée sonde la plus proche de nous a relevé un vent établit de 22 nœuds avec rafales à 30 nœuds. Purée de belle journée !
