C’est parti mon kiki
Marina Gosselin, Saint-Paul-de-l’Île-aux-Noix — Spoon Bay, Lac Champlain
Départ à 9 h 30 — arrivée à 17 h 26
34 miles nautiques
Un jour, j’ai mangé un biscuit chinois qui m’a lancé un sacré défi : « You shall seek out new adventures. » Le petit bout de papier nous suit d’ailleurs dans le voilier. C’est fait, après 5 ans de préparatif, on est parti jusqu’aux Bahamas pour l’un des trips de notre vie. Notre super comité de départ : Jean, Claude, Daniel et Lucie.
Retour en arrière (flash back). Depuis samedi, la pression monte entre les membres de l’équipage, le moteur hors-bord toujours en panne. Malgé la visite de Chantal et, de mon père et de Lucie, ça reste tendu. Lundi matin, c’est juste horrible. Il fait au moins 30 degrés et une chaleur moite. Je suis irritable, exécrable et je n’ai aucune patience… Laurent non plus. À la moindre remarque, on se mord. Aymeric doit bien sentir l’aura de merde qui surplombe parce qu’il est chiant. Honnêtement, en général, j’essaye de dire que c’est la situation qui est désagréable et non lui. Là là, j’ai juste l’impression que c’est lui. On flotte, en attendant – le vague à l’âme – l’appel salvateur pour notre moteur. Je me souviens devoir aviser l’assurance maladie qu’il se peut qu’on ne parte que mardi. Elle me dit que j’ai jusqu’à 20 h pour les aviser si je sors du pays ou non. C’est de la plus grande importance que la date précise de mon assurance corresponde à celle de notre départ. Pourquoi, fouillez-moi. La piscine finit par nous sauver. Quel soulagement que l’appel du concessionnaire ! Yann prête sa voiture à Laurent qui part immédiatement. Au retour, après un ultime test positif, on repart porter la voiture de Yann et se faire un petit apéro. J’oublie carrément l’assurance. À 20 h 30, l’angoisse profonde me prend… je me souviens de l’avertissement de mort de la courtière. Merde, je suis à bout, vraiment. J’ai dû mal à dormir et demain…, je ne veux juste pas y penser. Je devrais être super excitée, mais je suis incapable de vivre une forme quelconque d’allégresse.
Mardi matin
J’ai encore les yeux collés. J’informe Laurent que je vais prendre ma dernière douche du matin lorsqu’il me lance d’un ton sec, tendu : « ben là, on part à 8 h ». Grrrr. Je reviens et je l’aperçois, relax, discuter avec Daniel, notre ami au catamaran, de technicité. Laurent est ému de voir que Daniel vient saluer notre départ ; la bande de copains du quai arrive peu à peu. J’ai enfin la compagnie d’assurance au téléphone. « Madame, vous n’allez que perdre une journée de votre police, c’est tout. » Mon pauvre, je m’en fou de perdre une journée ! Non, c’est une mauvaise blague ou quoi… On m’a dit que ma police d’assurance tombait à l’eau si je ne sortais pas hier. Il me confirme le tout et en plus, il ajuste la date de la police. Ouf, quel soulagement! Ça y est, c’est parti mon kiki !



Il y a les mères indignes tout comme il y a les navigateurs indignes. Bien sûr, je pourrais omettre nos conneries, mais je suis persuadée qu’en plus de faire rire, c’est instructif. Pour notre première journée de voyage au long cours, on a décollé l’anneau de l’annexe avec lequel on la tire derrière le voilier ; vu le mât bouger de devant à derrière avec les yeux écarquillés et, dans une panique orchestrée, remises une sangle cliquet ; suivi le GPS, repéré la bouée… et bam, tapé une roche qui n’était pas indiquée ; vu une fuite de diesel à la rondelle du joint de purge du filtre secondaire du moteur ; fais la première manœuvre d’ancrage de l’année (pour bien imaginer la chose, ça a pris plus de 30 minutes. J’étais à la barre et je me sentais en contrôle lorsque Laurent refuse de donner le dernier coup de reculon sur la chaine parce qu’il croit qu’on peut foncer dans le voilier derrière nous. Je lui dis que je ne peux pas tourner plus à bâbord… et on se retrouve dans une position bizarre, dans le sens contraire des autres voiliers. Tout doucement, on se replace et on constate qu’on a quand même une bonne distance et que comme j’ai bien senti la chaine nous retenir, ben ça va être ça) ; ressenti de forte envie de vomir dans les vagues de 3 pieds qui nous rentre dedans de plein fouet. Je pense que c’est à peu près tout pour aujourd’hui. Voilà, ça y est, c’est parti mon kiki !
